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La valeur « sanitaire » du bureau

Sans surprise, la crise a fait évoluer les besoins des employés de bureau. Les enjeux socio-économiques, financiers et urbains sont considérables : le parc des bureaux existants, le plus important en Europe, et notamment en région francilienne avec plus de 53 millions de m², est-il toujours adapté ?

Une nouvelle révolution immobilière se profile

Tandis que les entreprises ont été tentées et encouragées depuis quelques années à passer au flex office (entendons le poste et l’espace de travail partagés et non plus affectés au salarié) afin de réduire la facture immobilière tout en cherchant à améliorer le confort des salariés, et que les espaces de coworking ont été encouragés par les collectivités locales pour attirer les entreprises de l’économie numérique, alimentant même dans certaines grandes métropoles et notamment dans Paris, une pénurie de surfaces locatives de bureaux traditionnels et une hausse des valeurs locatives, la question aujourd’hui réelle des besoins et du bien-être post-confinement de l’occupant devient majeure. Les bureaux construits et en cours de construction sont-ils déjà obsolètes ?

Avec surprise, nous assistons à nouveau, sans l’avoir anticiper à une nouvelle révolution du bureau. L’histoire se poursuit, une nouvelle révolution immobilière se profile. De la valeur patrimoniale à la valeur financière, de la valeur verte à la valeur environnementale, de la valeur d’usage, nous découvrons aujourd’hui la valeur « sanitaire » du bureau.

Tantôt open space dédié à l’économie émergente des services des années 1970 et 1980, au bureau fermé reflet d’une structure hiérarchique de l’organisation, aux espaces de flex office où l’espace de travail n’est plus affecté mais partagé aux lieux de coworking qui fonctionnent sur les codes de l’hotellerie et permettent aux entreprises de la French tech de se développer, alors que le phénomène de la métropolisation explose et que les métropoles cherchent à attirer les entreprises de la nouvelle économie.

Que seront les bureaux de demain ?

Rappelons-nous, ce n’était pas si loin, le passage soudain et curatif de la valeur patrimoniale, où les grands institutionnels (compagnies d’assurance, caisses de retraites) et foncières cotées détenaient sur des périodes de long terme des immeubles de prestige, avec des bureaux dont la propriété était gravée sur la façade en pierre de taille, à la valeur financière, reflet de l’après-crise des années 1990 et de l’arrivée des fonds de private equity et des fonds d’investissement court-termistes sur le marché des bureaux parisiens, alimentant la financiarisation soudaine du secteur immobilier dans les années 2000, tandis que les immeubles se standardisent avec des hauteurs sous-plafond de 2,70 mètres et des trames de 1,35 mètres pour rendre les actifs les plus liquides possibles sur les marchés de l’investissement immobilier.

Mais également durant les années 2000, de la valeur verte à la valeur environnementale qui prend en compte les nouvelles normes et réglementations environnementales à la valeur d’usage, reflet de l’après crise financière de 2008, où l’utilisateur des espaces de bureaux est remis au centre des décisions alors que la révolution numérique permet de travailler où l’on veut et quand on veut. La révolution est forte et également soudaine : le focus est dès lors porté non plus sur la valeur financière des immeubles, alors que la crise financière et bancaire sévit à la fin des années 2000, mais sur la valeur d’usage de l’espace occupé, comment celui-ci permet de répondre aux besoins des occupants.

La tendance à partager les espaces

Depuis quelques années, on a eu tendance à partager les espaces, en lien avec le développement de la nouvelle économie du partage, et de ces entreprises appelées « licorne », des startups souvent américaines nées dans la Silicon valley, et très fortement liées au numérique et au développement des plateformes numériques qui permettent de vendre leurs services. Souvent startup, avec une croissance exponentielle, ces entreprises ont eu tendance à occuper des bureaux flexibles, souvent appelés « dynamiques » à l’image de ce que ces entreprises veulent refléter.

C’est l’avènement du coworking, particulièrement adapté au départ aux petites structures entrepreneuriales (startup, entreprise individuelles, autoentreprenariat) qui se sont largement développées dans le contexte récent de la nouvelle économie. Cette solution de souplesse des espaces de travail non plus attribués mais partagés s’est également répandu dans plusieurs grandes entreprises sous le terme de Flex office, soit un espace ouvert, avec poste non attribué.

 L’occupant sera-t-il enfin au cœur du sujet ?

La crise sanitaire, qui a remis l’humain, sa santé, ses besoins, va incontestablement bouleverser à nouveau la donne. Du bureau standardisé dit aux standards internationaux, reflet de la financiarisation de l’économie, du bureau coworking, flex et partagé, vitrine de la nouvelle économie et de ses acteurs, l’histoire se poursuit.

La crise sanitaire nous a tous surpris. Elle va certainement inverser à nouveau la donne. L’occupant, c’est-à-dire le salarié, le collaborateur, l’homme, serait-il enfin au cœur du sujet ?

Notre dernière étude souligne que 74 % des employés de bureaux souhaitent retourner à leurs espaces de travail habituel, cependant près de la moitié d’entre eux pensent que leur espace de travail avant le confinement ne correspond plus à leurs besoins post-confinement. Par ailleurs, 71% des répondants sont défavorables aux espaces de travail flexibles basés sur le partage d’un même poste de travail par plusieurs salariés.

Les espaces de travail, 2nd poste de dépenses des entreprises

Le bureau post-covid, devra permettre à ses occupants de lui garantir une sécurité sanitaire optimale durant toute la journée, aussi bien au niveau des espaces que des volumes, tant au niveau du poste de travail et de son environnement immédiat que des installations aéroliques (ventilation, renouvellement d’air, climatisation). Les bureaux de backoffice devront être repensés, l’open-space et le flex office redéfinis.

Les bureaux en entreprise conçus « comme à la maison » auront-ils un sens alors que le salarié contraint au télétravail, souvent dans sa propre cuisine, va souhaiter retrouver en entreprise un espace différent de celui de la maison ? Alors que depuis une dizaine d’années, on a cherché par tous les moyens à densifier les espaces de travail pour accueillir le maximum de personnes et optimiser les surfaces pour un coût au m² toujours de plus en plus élevé, la problématique ne serait-elle pas aujourd’hui plutôt de dé-densifier les espaces afin de respecter les règles d’hygiène et de distanciation, au profit d’espaces nouveaux. La recherche en management des espaces de travail, second poste de dépenses des entreprises après les salaires, est à encourager.

Cet article a été publié dans La Tribune, le 26 juin 2020

Le Blog d’Ingrid NAPPI

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